Donner à Gustave

Cinquième semaine, le retour

La cinquième semaine fut différente des autres, plus précipitée, courte, vite passée, avec un horaire chamboulé comparativement à celui des semaines précédentes. Pour la deuxième fois les parents ont eu un jour complet en classe avec les enfants pour constater les progrès depuis le début du camp, et pour la deuxième fois les enfants ont été filmés (le avant et après que vous pourrez voir avec les interviews de parents sur le site de Ability Camp). Les dernières plongées hyperbare ont eu lieu mercredi, et bien que les thérapies aient été prévues jusqu’à vendredi AM, toutes les familles sauf la nôtre ont quitté jeudi PM après la graduation, si bien que Gustave fut seul en classe vendredi matin, et nous seuls à dormir au camp pour ce dernier jeudi. C’est peut-être mieux ainsi, de courts aurevoirs-adieux, parce que quand même il faut le dire, nous allons nous manquer. Comment résumer cette expérience de groupe, de cohabitation? Je n’y arrive pas, malheureusement. Une faille spatio-temporelle, un interstice d’intensité dans la vie de nos familles, une halte de la vie quotidienne, tout en vitesse, en réflexion et en introspection. Et comment peut-on vivre l’introspection dans la vitesse et le mouvement constant? Et bien c’est ça le camp. Un paradoxe bien incarné.

Les couloirs du camp résonnaient, et l’atmosphère morte était quasi sordide le dernier jeudi soir. L’endroit est fait pour la vie, les cris, les voix étouffées de voisins à travers les cloisons, le frigo commercial qui gronde, un enfant qui court, un autre qui pleure, une porte qui se ferme… c’est clair. Pas pour le recueillement. Mais pour moi, de rester jusqu’au bout était important, je ne peux l’expliquer autrement qu’en disant que le post-mortem devait se faire sur place, un moment de pause-bilan sur place avant de plier bagages. Et je crois que j’avais besoin de voir le staff changer les lits, tout laver de fond en comble, préparer l’espace pour un autre groupe, besoin de voir pour comprendre que notre expérience exceptionnelle n’avait rien d’unique en fait, bien qu’elle l’ait été pour nous. D’autres en ce moment sont happés par ce tourbillon d’intensité surprenante, où le temps file à une vitesse folle tout en étant suspendu, chaque jour qui vient pareil au précédent mais jamais tout-à-fait le même.

Nous sommes restés dans la région pour le dernier week-end. Martin, Camilien, Gustave et moi. Martin est venu nous rejoindre le lundi, Camilien le vendredi précédent, et c’était la première fois que nous tous pouvions avoir du temps ensemble dans ce magnifique coin de pays. Le samedi a été splendide, nous avons passé la journée à la plage, nous avons bien mangé, pris un café et joué aux cartes en ville… les vacances. Dimanche avant de repartir, nous sommes repassés acheter des asperges chez notre voisine de rang, repassés chez Vicki’s Veggies acheter quelques-uns de ses légumes rares et de ses plants de tomates rares, et puis nous sommes rentrés. Avec la conscience de partir, nous avons sillonné nos coins préférés du Prince Edward County, les yeux et la tête pleins… Et je n’ai pris aucune photo.

Mon bilan de l’expérience? Vous entendrez encore parler de nous et de Go Gustave, car nous y retournerons. Et car je récrirai. Depuis quelques semaines Gustave n’utilise pratiquement plus sa marchette, il mange avec des ustensiles d’adultes, il s’habille pratiquement tout seul… Et il en est fier. Est-ce que l’expérience se mesure uniquement à ses acquis? Non, du moins pas seulement à ceux qui se mesurent de visu. L’éducation conductive est une approche intelligente, sensible, totalement sur mesure pour les paralytiques cérébraux qui n’ont pas de déficit cognitif important. Pour moi, c’est une révélation. Il existe des écoles partout dans le monde, aux Etats-Unis, en France, où l’apprentissage scolaire se fait dans un cadre d’éducation conductive, où l’enfant est envisagé dans sa globalité et où toutes ses forces et difficultés sont abordées de front, où tous les niveaux d’apprentissage sont imbriqués, intégrés les uns aux autres.  Alors il me reste à explorer cette voie, celle d’une école sur mesure au Québec, pourquoi pas. Si vous connaissez un mécène, donnez-lui l’adresse du blogue, qui sait… Rien n’est impossible, et le travail de nos enfants en est la preuve la plus indéniable.

Mon bilan de l’expérience? Elle n’est simplement pas finie, en fait elle commence. Je n’en ai pas fini avec le blogue, parce que l’expérience a commencé bien avant notre séjour au camp, par la levée de fonds dont j’ai parlé en termes techniques, d’objectifs et financiers, mais bien peu en termes de solidarité humaine, et que j’ai encore mille choses à en dire. Je vous dois mille mercis et un retour réfléchi sur votre apport à notre travail, que je cogite depuis des semaines… Ça s’en vient. J’ai aussi promis des recettes (végétaliennes pour ceux qui ne savent pas) en cours de route, en cours de repas partagés… Ça aussi ça viendra, et bilingue pour nos amis du Texas et du Minnesota.

Et qu’en est-il du bilan de Gustave?

Je lui ai demandé le dernier jour du camp ce qu’il a préféré, et il m’a répondu: « la médaille ». À la graduation, on lui a remis (ainsi qu’à tous les autres naturellement) une médaille d’or à l’effigie du camp, gravée de son nom. Et en bon sportif il ne cessait de répéter: « j’ai gagné, j’ai gagné! »…

Et il a bien raison.

Un lien pour une explication très éclairante de l’éducation conductive (et très à l’image de ce que nous avons connu au camp):

http://www.youtube.com/watch?v=TQiU6YI6-1Y


4 commentaires on “Cinquième semaine, le retour”

  1. Avatar de Jeff Grenier Jeff Grenier dit :

    Suberbe,
    c’est le mot qui convient pour la photo de groupe mais, aussi pour ce témoignage post-mortem bien senti et extrêmement lucide de ta part.

    Je beaucoup aimé ce que tu as dit à Gustave lorsqu’il a vu une fille marcher croche…. Tu lui a dit : Regarde juste qu’elle avance. ( c’était suberbe de justesse)

    Tu peux compter sur nous n’Importe quand pour la prochaine levée de fonds.

    Vivement un Gros Bingo le fun.

    grosse bise à toi et les tiens,

    Jeff et Jidi

  2. Avatar de Evelyne Evelyne dit :

    Bravo! L’expérience m’est révélatrice et je me réjouis des résultats obtenus. Continuez à vous investir dans des projets de cette taille!! Et si vous avez besoin de soutien, demandez-le-nous… Comment ne pouvons-nous pas adhérer à des actions qui favorisent le développement d’un jeune quand on leur a consacré sa vie?
    Avec beaucoup d’affection,
    Evelyne

  3. Avatar de Bill Morgoce Bill Morgoce dit :

    I would of liked to be there when he received his GOLD MEDAL. I could well imsgine how proud he was with his big smile
    ssying I WON I WON!

    You can certainly count on me for the next GUSTAVE FUND RAISER

  4. Avatar de Michel Duranceau Michel Duranceau dit :

    Extraordinaires les résultats obtenus par Gustave…il doit se reprendre l’année prochaine. Il est pas mal chanceux ce Gustave d’avoir la mère fantastique qu’il a!
    SVP me tenir au courant des projets de levées de fonds.